La littérature est un appel des esprits qui se cherchent. C’est enfin une communion des esprits qui se rencontrent sur rendez-vous. Le lieu de rencontre est l’imaginaire. Tout esprit qui visite cet endroit a un message à communiquer ou à recevoir. Les différences habituelles qui créent des clivages parmi les hommes n’ont pas de pouvoir sur les esprits qui s’unissent dans l’imaginaire, car auteurs et lecteurs dans ce cadre forment une même conscience; de là à affirmer que la littérature est un trait d’union entre les peuples. C’est une nourriture offerte seulement à ceux qui se sentent appelés. Contrairement à d’autres modes de communication, d’autres types de fictions, on ne tombe pas sur la littérature par hasard comme on tombe sur un film à la télé. Il faut aller à sa rencontre. On sait où la trouver et on n’y va que par nécessité. La communication au moyen de la littérature se fait par suggestion et non par injonction. De ce fait, elle se rend plus efficace encore, car il y a une marche volontaire du lecteur vers l’auteur. L’exercice de la volonté chez le lecteur le libère de toute forme de pression psychologique extérieure. Le lecteur qui reçoit le message de la littérature est totalement préparé à cette rencontre. L’écrivain, un absent en personne, mais présent dans le mental du lecteur, est celui qui approvisionne l’abreuvoir qu’est l’imaginaire, où les esprits appelés viennent étancher leur soif. La littérature est fiction, et le genre romanesque est son porte-flambeau, secondé par la nouvelle qui est sa forme courte. Dans le roman et la nouvelle, tout est imaginaire et le demeure. Le théâtre quant à lui est un genre hybride à mi-chemin entre l’imaginaire et le réel, à cause de la mise en scène qui donne une forme physique aux personnages. Ce n’est que dans le réel, le visuel que s’exprime le théâtre, tandis que la littérature se dénature lorsqu’on l’adapte sur scène. Elle perd alors son âme qui est immatérielle. Ayant été conçue dans la pureté des essences immatérielles, toute tentative d’adaptation au visuel la ramène vers un monde inférieur où les défauts et les erreurs sont possibles. La littérature ne connait pas d’erreur, elle est pure et infaillible. Le théâtre le demeure également, aussi longtemps qu’il reste dans le livre. Sous sa forme scénique, il importe toutes les imperfections du monde physique.