Ecrivain camerounais

Faire de l'histoire le levier de l'avenir

Ce que j'attends du développement

Développement est l’un des concepts modernes en vertu desquels les sociétés sont classifiées. Lorsqu’il s’agit des Etats, on parle alors de pays développés et sous-développés. Le concept en soi est tellement négatif qu’à une certaine époque, les évaluateurs ont préféré parler de pays en voie de développement, pour ne pas blesser. Si le mot développement veut dire évolution constante, remarquons qu’à ce titre toutes les sociétés seraient en voie de développement. Ce serait prétentieux et inexact pour certains Etats de s’attribuer le titre de pays développés lorsqu’on sait qu’il n’y a pas un sommet au processus de l’évolution. Le terme « pays industrialisés » serait plus acceptable.

Et que dire des sociétés qui essuient la honte d’être qualifiées de sous-développées ? Le concept est également absurde dans leur cas. Se développer suppose qu’on part d’un état premier où l’on était enveloppé, pour gagner en ampleur, tel un poussin qui sort de l’œuf. L’épanouissement dont il est question concerne les libertés individuelles, la technique de production des biens, la croissance des relations avec les sociétés sœurs, la résistance aux adversités de la nature, la compréhension et la prévision des phénomènes naturels, etc. Ce qui est erroné dans le concept du développement est que l’être humain n’en est pas le centre. Ce concept tend à ne considérer que l’évolution de la technique. Dans ce sens, New York est forcément plus développé que Sikasso. Mais en portant un regard critique sur le concept et en plaçant l’être humain à son centre, on se poserait la question : qui du laitier de Sikasso et du boursier de New York est-il plus heureux de vivre ? La réponse à cette interrogation est loin d’être toute faite, car le laitier de Sikasso qui fait une bonne traite trouve la même satisfaction que le boursier newyorkais qui réalise des profits. Par contre, des pertes dues aux mauvaises prévisions le rendraient autant malheureux que le laitier malien qui voit son bétail mourir. Les gratte-ciels, les grosses usines et la puissance de la monnaie n’ont que peu d’influence dans l’obtention de la paix de l’âme. Il serait prudent d’éviter de réduire le concept de développement à la seule considération des infrastructures. Le développement infrastructurel n’est qu’un aspect du développement d’une société. C’était une bonne idée de la part de l’économiste indien Amartya Sen de recourir à l’IDH (indice de développement humain) pour déterminer le degré d’évolution d’une société. Il a pensé à prendre en compte des données comme l’espérance de vie, l’accès aux besoins primaires, etc. Mais malgré l’adoption de son procédé par le PNUD, l’idée tarde à s’ancrer dans les mentalités. Dans l’imaginaire populaire mondial, un chef d’entreprise botswanais demeure un sous-développé à cause du cliché hérité du statut économique de son pays, tandis qu’un cul-terreux qui fait la manche dans le métro de Milan est un « développé ». Tenez, il est du G8 !

Quand tout se mesure à l’aune de la bourse et de la conquête technologique, quand le développement humain ne suit pas celui de la technique, une société se métamorphose à la façon d’un monstre mécanique prêt à broyer.

Un développement qui place l’humain à son centre tient compte de la protection du plus faible, de la bonne distribution des ressources disponibles, de l’égalité des chances, de la valorisation des acquis locaux, de l’acceptation de soi tel qu’on est, et de la tolérance des différences. Sont-elles vraiment développées, les sociétés prédatrices qui marchent sur les plus faibles au moyen de leurs armées, qui polluent les airs et les mers à travers leurs industries sans âme, et qui asservissent par la force du canon ou par l’appât de l’argent ?

Toutes les sociétés modernes sont en train de s’éloigner du véritable développement. Les plus développées sont paradoxalement celles qui n’ont pas encore connu la révolution industrielle, celles où l’appartenance à un groupe a encore un sens. Plusieurs sociétés primitives qui n’ont pas encore connu l’électricité sont très en avance en matière de développement. Le développement positif suppose la consolidation des aspects humains cités plus haut, aux côtés des infrastructures sophistiquées ou d’un PIB colossal. L’un sans l’autre fait d’une société soit un monstre mécanique sans âme, soit un « bon sauvage » de Diderot géré par les caprices de la nature.

 

Aide humanitaire ? Non merci !

S'il est vrai qu'une perche étrangère tendue aux Africains comme partout ailleurs lors de grandes catastrophes soulage énormément les populations sinistrées, une autre forme d'aide paraît absolument ridicule du point de vue de son efficacité. Comment croire qu'un ou deux Occidentaux qui vont dans un village quelconque en Afrique négocier l'adoption d'une dizaine d'enfants par des familles étrangères prétendent travailler pour le bien des pauvres ? Je crois que derrière cette politique d'adoption il y a plus d'affairisme que d'humanisme. Les récents déboires de l'association française Arche de Zoé en République Tchadienne en disent long. Que dire des trafiquants d'enfants de tous bords, surtout américains, arrêtés en Haïti, qui ont profité du séisme de 2010 pour faire une récolte abondante d'orphelins ? 

 

Ce qui choque le plus dans le procédé de recrutement est l'exploitation des images répugnantes de la misère de ces enfants et de leurs familles à des fins mercantiles. La stratégie consiste à susciter la pitié chez les bonnes volontés en Occident afin d'obtenir plus facilement leur contribution financière ou leur engagement à adopter, et partant, le soutien gouvernemental qui s'exprime en de grosses sommes. Il faut avouer que ces genres d'humanistes travaillent pour eux-mêmes en exploitant la misère des pauvres comme fonds de commerce. Le taux d'échec est d'ailleurs très parlant: les humanistes passent, mais la misère demeure. On ne saurait vaincre l'épidémie de la peste dans une société en soignant dix malades. Aider l'Afrique ne passe pas par la sélection de 10 enfants qu'on envoie en adoption en Occident. Aider l'Afrique c'est utiliser tous les moyens diplomatiques et non violents pour la débarrasser des dirigeants mal élus et mal aimés qui bradent les richesses nationales et laissent comme conséquence les images de faim qui circulent dans le monde.

 

 

 

Le racisme, parlons-en !

Une poussière déclare ne pas aimer une autre poussière à cause de sa couleur. Qu'es-tu en réalité ? Cinquante kilos de viande volatile entourant des os incolores. Si tu trouves sur terre des races que tu ne supportes pas de voir, il est grand temps que tu changes de planète. La terre a besoin de toutes ses couleurs. Et si tu n'y peux rien, alors ferme les yeux et courageusement, fais ton hara-kiri.